Le portrait de cette toute jeune femme, probablement la danseuse Marie – Madeleine Guimard (1743-1816), se rattache à la série des Figures de fantaisie créée par Jean-Honoré Fragonard autour de 1769. Elle donne l’impression de virevolter tout en prenant appui sur un entablement.
Iconographie.
Après avoir commencé dans le corps de ballet de la Comédie française, Marie-Madeleine Guimard est engagée comme danseuse en 1761 à l’Opéra de Paris, où elle s’illustra dans une cinquantaine de rôles. Les témoignages de ses contemporains ne manquent pas sur son caractère piquant et enjoué et surtout son extrême sveltesse – que certaines mauvaises langues inspirées par ses rivales n’hésitent pas à surnommer le « squelette des Grâces ». C’est le rapprochement avec un buste en marbre de la danseuse, œuvre du sculpteur Gaetano Merchi daté de 1779 (Bibliothèque de l’Opéra) – dont une version en terre cuite est conservée au musée des Arts décoratifs – qui a permis à la fin du XIXe siècle d’identifier le modèle de la peinture de Fragonard avec certitude : on retrouve le port de tête élégant, le regard charmeur et malicieux ainsi que les traits aigus.
Les Figures de fantaisie.
Ce portrait s’inscrit dans la série dite « Figures de fantaisie », au nombre de quatorze connues à ce jour, dont on ignore le ou les commanditaires. Sept autres tableaux de cet ensemble sont conservés au Louvre ; il s’agit de l’Inspiration, de l’Étude, du Portrait d’un jeune artiste, des portraits de Diderot, d’Anne-François d’Harcourt, de Saint-Non et de La Bretèche, ce dernier seul daté 1769. Il s’agit de portraits en général à mi-corps – , derrière un entablement de pierre, souvent en costume dit à l’espagnole, évoquant le monde du théâtre, avec, parfois, posés devant eux des objets symboliques pas toujours faciles à interpréter. Ces peintures brossées d’une touche très rapide (l’étiquette de l’un d’eux indique qu’il aurait été fait « en une heure de temps »), associant des coloris chers aux peintres du Nord comme le vert, le brun, l’ocre et le rouge rehaussé de blanc crème se situent dans la lignée de Rembrandt et de Frans Hals. Ils évoquent plus des caractères que des portraits bien qu’ils aient eu pour modèles des familiers du peintre.
La Guimard protectrice des arts.
Ses talents de première danseuse ne furent pas seuls à contribuer à sa célébrité, mais aussi les soupers et les soirées théâtrales qu’elle organisait dans sa maison de campagne de Pantin et dans son hôtel particulier de la rue de la Chaussée d’Antin à Paris fréquentée par de hauts personnages de la Cour. Les largesses de ses amants au nombre desquels figuraient Jean-Benjamin de La Borde (1734 –1794), premier valet de chambre du Roi, puis fermier général, le maréchal de Soubise, Mgr de Jarente, évêque d’Orléans lui permirent de mener un train de vie fastueux. Parallèlement à cette vie mondaine, elle joua un rôle de mécène très actif ; elle confia la construction de son hôtel parisien, détruit depuis, à Claude-Nicolas Ledoux (1736 – 1806), Jean-Honoré Fragonard fut chargé de la décoration du grand Salon, mais, à la suite d’une brouille avec la Guimard en 1773, il renonça à ce chantier, le jeune Jacques-Louis David prit le relais et acheva le plafond.
Bibliographie.
– CUZIN Jean-Pierre, Jean-Honoré Fragonard : vie et œuvre, Fribourg : Office du Livre, 1987.
– ROSENBERG Pierre, Fragonard, catalogue d’exposition, Galeries nationales du Grand Palais 1987 – 1988, Éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1987.
– LAROUSSE Pierre, « Despréaux (Marie-Madeleine, dame) », in Grand Larousse universe du XIXe siècle, Librairie Larousse et Boyer, Paris, 1870, p. 584.
- ROSENBERG Pierre, COMPIN Isabelle, « Quatre nouveaux Fragonard au Louvre. I* ». in Revue du Louvre et des musées de France, 1974, n ° 3, p. 183 – 192.
– ROSENBERG Pierre, Tout l’œuvre peint de Fragonard., Flammarion, Paris, 1989.