1, 285
Exspatiata ruunt per apertos flumina campos
cumque satis arbusta simul pecudesque uirosque
tectaque cumque suis rapiunt penetralia sacris.
Si qua domus mansit potuitque resistere tanto
indeiecta malo, culmen tamen altior huius
Les fleuves, sortis de leur lit, se répandent dans la rase campagne ;ils emportent, avec les moissons, les arbustes et les troupeaux,les hommes et les maisons avec leurs autels et les objets sacrés.Si une maison est restée debout et a pu résister à un tel cataclysmesans crouler, elle finit submergée par une vague plus haute que son toit
1, 290
unda tegit, pressaeque latent sub gurgite turres.
Iamque mare et tellus nullum discrimen habebant :
omnia pontus erat, deerant quoque litora ponto.
Occupat hic collem, cumba sedet alter adunca
et ducit remos illic, ubi nuper ararat :
et ses tourelles écrasées disparaissent sous le tourbillon.
Désormais, plus rien ne distinguait la mer de la terre ;Tout était mer ; et c'était une mer sans rivages.Tel se hâte d'occuper une colline ; dans une barque recourbée,tel autre manie des rames là où naguère il avait labouré.
1, 295
ille supra segetes aut mersae culmina uillae
nauigat, hic summa piscem deprendit in ulmo.
Figitur in uiridi, si fors tulit, ancora prato,
aut subiecta terunt curuae uineta carinae ;
et, modo qua graciles gramen carpsere capellae,
Cet autre navigue sur ses moissons ou sur sa villa aux toits inondéset ici quelqu'un prend un poisson au sommet d'un ormeau.Une ancre se fiche, si le hasard l'y porte, dans une verte prairie,des carènes creuses foulent les vignes en passant au-dessus d'elles.Et là où naguère de gracieuses chevrettes broutaient l'herbe,
1, 300
nunc ibi deformes ponunt sua corpora phocae.
Mirantur sub aqua lucos urbesque domosque
Nereides, siluasque tenent delphines et altis
incursant ramis agitataque robora pulsant.
Nat lupus inter oues, fuluos uehit unda leones,
des phoques posent maintenant leurs corps informes.Les Néréides s'étonnent d'apercevoir sous l'eau des bois,des cités et des maisons ; les dauphins occupent les forêts,se heurtent aux hautes branches, bousculent et agitent les chênes.Le loup nage parmi les brebis, l'onde charrie des lions au pelage fauve
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unda uehit tigres ; nec uires fulminis apro,
crura nec ablato prosunt uelocia ceruo,
quaesitisque diu terris, ubi sistere possit,
in mare lassatis uolucris uaga decidit alis.
Obruerat tumulos inmensa licentia ponti,
et emporte des tigres ; le sanglier ne tire rien de sa force foudroyantele cerf emporté ne trouve aucun secours en ses pattes agiles.Après avoir longtemps cherché des terres où se poser,l'oiseau égaré tombe dans la mer, les ailes épuisées.L'immense débordement de l'océan avait recouvert les hauteurs
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pulsabantque noui montana cacumina fluctus.
Maxima pars unda rapitur ; quibus unda pepercit,
illos longa domant inopi ieiunia uictu.
et des flots inconnus venaient frapper les sommets des montagnes.L'onde emporte la plupart des vivants ; ceux qu'elle a épargnés,ils meurent vaincus par un long jeûne, faute de vivres.