Histoire d’un mot ; à la dérobée.
Dérober ; Alain Rey dans son dictionnaire historique de la langue française nous défini ce vocable comme :
verbe transitif, écrit au sens desrober, jusqu’au XVIe siècle est dérivé au moyen du préfixe dé – de l’ancien verbe rober, « piller », « dépouiller ». Le verbe français est emprunté au germanique occidental de même sens « rauban » (voir robe).
Le mot signifie « dépouiller, piller » jusqu’au XVIIe siècle avec un nom de personne comme complément puis seulement avec un nom d’objet. La plupart des extensions de sens datent des XVIe et XVIIe siècles par exemple prendre par surprise avec adresse, spécialement dans un contexte galant (dérober un baiser, 1669).
La forme pronominale se dérober est employée comme terme de manège à propos d’un cheval qui se retire sous son cavalier, par extension elle se rapporte aux genoux qui fléchissent, au sol qui semble manquer sous nos pas...
Enfin l’idée de soustraire au regard est surtout réalisée dans le participe passé adjectivé dérobé, ée.
Le wiktionary dont tout ou partie de l’article provient du dictionnaire de l’Académie française (8e édition, 1932-1935) nous donne pour étymologie du verbe dérober :
(fin XIIe siècle) Desrober ; de l’ancien français rober, « voler », du francique raubôn, « dépouiller ».
De robe, avec le préfixe dé – .
Verbe dérober.
Enlever, voler en cachette.
Prendre dans l’œuvre d’un autre, une pensée, un passage, quelques vers et qui se les approprie, en parlant d’un auteur.
Prendre des moments sur les heures que l’on consacre à ses affaires, à ses occupations ordinaires, en parlant de ce temps pris.
Cacher, empêcher de voir, de découvrir.
Soustraire, celer.
(Équitation) Éviter un obstacle au dernier moment en s’échappant sur un côté (en parlant d’un cheval).
(Pronominal) Se soustraire à quelque chose de déplaisant.
(Pronominal) Se retirer d’une compagnie sans dire mot, sans être aperçu.
(Absolument) Échapper volontairement à la discussion, la fuir ou esquiver une difficulté.
(Pronominal) (Équitation) S’échapper de dessous celui qui le monte, tout à coup, par un mouvement irrégulier, en parlant d’un cheval.
(Pronominal) (figuré) Vaciller, en peinant à soutenir, en parlant des jambes.
Traductions
allemand : stehlen, entwenden
anglais : rob (rob someone), abstract
espagnol : robar, hurtar, sustraer
hébreu ancien : גּנב
italien : rubare
latin : abigere, clepere
Psaumes 50, 18
אם ראית גנב ותרץ עמו ועם מנאפים חלקך
Lorsque tu vois un voleur, tu deviens son ami, et ton partage est avec les adultères.
Allons un peu plus loin dans dérober nous avons le mot robe et nous savons que Fragonard est le peintre des tissus, des voilages, et des drapés.
Robe
Déverbal de l’ancien français rober (« voler ») dont est issu l’anglais to rob et qui ne subsiste plus que sous forme préfixée dérober. Ce mot a eu pour sens « butin de guerre », « dépouille » puis, par spécialisation, « tunique » et enfin, par hyperspécialisation, « vêtement féminin ».
Rober est issu du bas latin raubare d’une racine germanique raubon qui a donné rauben et Räuber en allemand moderne.
Alain Rey nous donne : emprunté au germanique occidental « rauba » « butin, rapine » (dérober) auquel est apparenté l’anglais to rob, d’où pense-t-on « vêtement pris en guise de butin ». L’ancien et le moyen français robe ont encore fréquemment et jusqu’au XVIe siècle, les sens de « butin, pillage » d’où vol, larcin et rapt, notamment dans les locutions en robe à la dérobée et bonne robe de « bonne prise » en parlant d’une femme et dans un contexte galant.
Ainsi par un simple jeu de mots Fragonard nous fait-il passer d’un baiser à la dérobé au rapt du verrou.