À l’époque de Charcot, la médecine s’apprenait aussi par le dessin. Les thérapeutes, les étudiants... réalisaient des croquis, et notamment durant les dissections : « Ils se sont trouvés pendant très longtemps dans les théâtres anatomiques avec les peintres. Les uns, pour pouvoir maîtriser le dessin et éventuellement faire des déformations qui pouvaient servir leur art, comme Ingres. Les autres pour apprendre à différencier l’état normal de l’état pathologique. », affirme Catherine Bouchara.
“arc de cercle”
Études cliniques sur l’hystéro-épilepsie ou grand hystérie.
Richer Paul ; 1885
Technique; mine de plomb
Quatre femmes pendant une crise d'hystérie
Richer Paul ; 1881
Technique; mine de plomb
Dimensions; Hauteur : 0.29 m Largeur : 0.151 m
Localisation; Paris, école nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA)
Une leçon clinique à la Salpêtrière
André Brouillet; 1887
Technique peinture à l'huile
Dimensions (H × L) 290 × 430 cm
Localisation Université Paris Descartes
Charcot donne sa première leçon sur l'hystérie à la Salpêtrière, en juin 1870, proposant un renouvellement de l'approche scientifique de ce trouble qui prenait en compte non seulement les traits physiologiques mais aussi psychologiques. S'appuyant sur une recherche de Pierre Briquet, publiée en 1859, dans laquelle celui-ci faisait analyser 430 cas d'hystérie collectés sur une période de dix ans. Charcot considère l'hystérie comme un effet d'une souffrance neurologique d'une partie du cerveau concernée par les émotions et les affects, il suggère que cette affection pouvait être en partie héréditaire et note qu'elle peut concerner des sujets masculins, même si elle est surtout présente chez des femmes. Il s'est efforcé de démontrer que la « grande attaque » hystérique était un état neurologique qui suit un déroulement caractéristique, en plusieurs étapes identifiées : la période épileptoïde, la période des contorsions parfois dite de « clownisme » (notamment la position en arc-de-cercle), la période des attitudes passionnelles, la période de délire.
Charcot s'est surtout attaché à documenter les cas cliniques d'hystérie, en montrant des épisodes de crise, durant ses leçons, mais également en généralisant, dans son service, le recours à la photographie médicale. Albert Londe, l'un des pionniers de la photographie médicale, prenait des photographies, et Paul Richer réalisait des croquis d'après ces photographies. Le dessin qui représente une patiente, visible au mur à gauche du tableau, a ainsi été réalisé par Paul Richer, d'après une photographie d'Albert Londe.
À partir de 1878, il donne des leçons hebdomadaires et publiques les vendredis, auxquelles assistent médecins, personnel médical de l'hôpital, mais aussi artistes, personnalités politiques, personnalités du monde médical, tels James Jackson Putnam ou Adolf Meyer, ou encore Sigmund Freud, encore jeune médecin. Le succès de ces leçons est tel qu'elles se tiennent finalement dans un salle de 400 places.
Les Miracles de saint Ignace de Loyola (détail).
« La classe d’anatomie à l’école des beaux arts. »
François Salle, 1888,
Huile sur toile
Art Gallery of New South Wales
Les Miracles de saint Ignace de Loyola
Pierre Paul Rubens
une pièce d'autel composée en 1618 ou 1619 par pour l’église de la maison professe des Jésuites d’Anvers (aujourd'hui église Saint-Charles-Borromée), en Belgique. La toile se trouve depuis 1776 au Musée d'histoire de l'art, à Vienne (Autriche).
Depuis le Moyen âge au moins, la « possession » est représentée dans l’art. « Le désordre des corps, c’est un défi dans la représentation esthétique. », affirme Bertand Marquer.
Et Charcot s’intéressait aux représentations des troubles psychiques à travers les âges. C’est d’ailleurs dans une toile de Rubens, Les Miracles de Saint Ignace de Loyola (1717-1718) , qu’il a reconnu le type pathologique sur lequel il travaillait, la grande hystérie : « Il était fasciné. Il a vu une sorte de perfection dans la représentation de cette maladie. »
Pour Bertrand Marquet, il existe un point commun entre l’œuvre d’art et l’hystérie, dans la mesure où l’œuvre d’art est capable de provoquer fascination et suggestion : « C’est une des problématiques abordées à la fin du siècle : le fonctionnement de l’œuvre d’art et la fascination provoquée par l’œuvre d’art, sur le modèle de la suggestion. Une œuvre d’art est suggestive, et l’hystérique est facilement suggestionné. » Ainsi, le lien est-il établi entre hypnose et contemplation.
L'hystérie et sa représentation.
"Non seulement la peinture raconte une histoire mais elle la pense." (E. Gombrich)