L’interdit et non le refus. Le primat du statut de l’image est au centre de nombreux systèmes religieux et philosophiques.
La Thora est le corpus scriptural dont le rabbin Yochanan ben Zachaï perpétua l’enseignement après avoir obtenu l’autorisation d’ouvrir à Yabnéh la première école hébraïque au lendemain de la destruction du Temple de Jérusalem par Titus, qui marqua la diaspora du peuple juif. Anticipant des développements qui prendront corps près de soixante ans plus tard, Freud consigne l’importance de cet événement dans une lettre à sa fiancée, Martha, datée du dimanche 23 juillet 1882, où il écrit :
« Ce ne fut qu’après la destruction du temple visible que l’invisible édifice du judaïsme put être construit. »
Sigmund Freud, Correspondance 1873-1939, Paris, Gallimard…
Dans le Moïse, il dégage la nature des fondements de cet édifice :
« Les Juifs gardèrent le cap sur des intérêts spirituels, le malheur politique de leur nation leur apprit à apprécier à sa valeur la seule propriété qui leur fût restée, leur Écriture. »
Sigmund Freud, l’homme Moïse, op. cit., p. 214.
Freud est l’un des seuls intellectuels a avoir attaché une telle importance à cette deuxième parole. Ce commandement est plus que le détournement de l’idolâtrie. Quelle importance y a-t-il pour le psychisme qu’il y ait un interdit de la représentation, non pas en terme théologique, mais en terme de construction des sujets ?
Dans la Thora dieu est celui qui t’a fait sortir de la maison d’esclavage, dans le coran il est le dieu créateur. Pourquoi le dieu de la Thora n’est pas un dieu créateur, mais un dieu de la désaliénation ? Parce que pour prouver que dieu est créateur il faut des témoins, il n’y en a pas il faut donc le croire sur parole. En revanche pour la sortie d’Égypte il y a des témoins, et ils furent nombreux.
L’interdit de l’image est un thème théologique, un concept qui figure le primat du symbolique.
Ce qui importe n’est pas de respecter l’interdit à la lettre, mais c’est qu’il a été formulé, comme le « tu ne tueras point ». La formulation d’une parole est plus importante que ce qu’elle dit. Il y a un avant et un après l’interdit.
Le christianisme fut un progrès du point de vue de l’histoire religieuse, c’est-à-dire sous le rapport du retour du refoulé. À partir de ce moment, la religion juive fut en quelque sorte impossible. Au fond l’interdit de la représentation c’est un interdit apporté par la religion juive, mais que l’on peut détacher de la religion juive. C’est un interdit a porté civilisatrice. Mais ce que la religion juive charrie de religieux est devenu tout simplement fossile. Le christianisme devient une victoire religieuse sur la religion juive. Mais c’est une régression culturelle.
La religion chrétienne ne se maintient pas au degré de spiritualisation auquel le judaïsme c’est élevé. Elle n’est pas strictement monothéiste, elle adopte de nombreux rites symboliques des peuples d’alentours, elle restaure la grande déesse mère et trouva place pour accueillir un grand nombre de déités du polythéisme reconnaissable sous leur voile, quoique réduite à une position subalterne. Elle ne ferme pas comme la religion d’Athon et la religion mosaïque qui lui fit suite à l’intrusion d’élément superstitieux, magique et mystique qui devait représenter une grave inhibition pour les deux millénaires suivants.
Néanmoins, le christianisme fut un progrès du point de vue de l’histoire religieuse pas de la vie de l’esprit, mais religieuse. (C’est-à-dire sous le rapport du retour du refoulé.) À partir de ce moment la religion juive, fut en quelque sorte impossible.
Le retour du refoulé c’est le fait que les juifs ont tué Moïse, le meurtre du père. Il y a retour du refoulé avec la mise à mort du christ. Le fils est tué comme équivalent. Le fils incarne par sa mort l’acceptation d’être meurtrier ce que les juifs réfutent. L’humanité se construit sur le meurtre du père.
Le renoncement à se soumettre à cet interdit a pour conséquence l’inhibition.
Qu’elles sont les images qui vous inhibent ? Vous aurez immédiatement accès à ce que Freud vient de nous dire.
Dieu étant invisible, innommable, inaccessible au sens, il est interdit de le représenter, parce qu’il est impossible de le représenter. Autrement dit, cet interdit soulage, nous soulage du poids du réel. Il le symbolise et c’est cette symbolisation-là qui est au cœur de l’affaire qui ne fait qu’éclairer le pourquoi de cet interdit dans l’histoire de l’humanité.